« Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
À la nuit sans limites
À la nuit »
(Michaux)
Le temps s'élargit : je ne sais le jour et l'heure qu'en vérifiant sur l'ordinateur ou le téléphone. C'est aujourd'hui le douzième jour de quarantaine (les numéros de titres que j'utilise renvoient au début de l'écriture). C'était donc au dixième que C. et V. sont arrivés (avant-hier), au moment même où j'appuyais sur le bouton "publier" des jours 8 et 9.
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C'est la décrue. Ça ralentit.
La place publique est pleine de bouffons tapageurs — et le peuple se vante de ses grands hommes ! Ils sont pour lui les maîtres du moment.
Mais le moment les presse : c’est pourquoi ils te pressent aussi. Ils veulent de toi un oui ou un non. Malheur à toi, si tu voulais placer ta chaise entre un pour et un contre !
Ne sois pas jaloux des esprits impatients et absolus, ô amant, de la vérité. Jamais encore la vérité n’a été se pendre au bras des intransigeants.
À cause de ces agités retourne dans ta sécurité : ce n’est que sur la place publique qu’on est assailli par des « oui ? » ou des « non ? »
Ce qui se passe dans les fontaines profondes s’y passe avec lenteur : il faut qu’elles attendent longtemps pour savoir ce qui est tombé dans leur profondeur.
Après avoir pris connaissance sur Twitter des dernières déclarations de mon ministre, c'est ce passage de Zarathoustra que je voulais relire (que j'ai retrouvé et recopié supra) en allant ouvrir la porte, ce matin - juste après avoir entendu toquer, et avec un mince espoir : j'ai peut-être une toute petite chance de voir l'humain qui me dépose à manger ?
Lire la suite de Journal de quarantaine - Jours 8 et 9 : décrue, coup de foudre pour les commandes ssh sur serveurs distants, amour tout court
J'en suis venu aujourd'hui à l'idée que ce qui fait que le monde va si mal, c'est que nous avons tenté de croire que nous n'étions pas fous, que nous nous sommes acharnés à nous croire "normaux". Comme si, à chaque fois qu'on cherche à ce que les choses soient dans l'ordre, y compris dans nos têtes, on se fourvoie ; on se transforme en imbéciles zélés sans s'en rendre compte, et même en tortionnaires - et que c'est cela, la vraie folie. La bonne folie, la vertueuse, il faudrait la cultiver en soi pour lutter contre tous ces routines morbides, prétentieuses et imbues de leur supposée respectabilité.
Lire la suite de Journal de quarantaine - Jour 7 : la folie, retrouvailles (enfin !)
Ça fait plusieurs jours que la tension monte, et les manifestations qui n'ont pas cessé depuis des mois finissent par des tirs de balles en caoutchouc, par des gaz lacrymogènes, des incendies. Hier soir, je suis passé d'un article à l'autre sur Twitter, et j'ai passé la nuit à rêver de poursuites, de mouvements de foule, de cris... À un moment donné, j'ai eu une sorte de vertige : je ne savais plus si j'étais en France ou ailleurs. Je ne savais plus du tout où j'étais. Tous ceux qui sont "dehors" disent la même chose : "tout est fermé, c'est mort"... À moins qu'ils soient au loin, en province, où il semble y avoir parfois quelques tolérances.
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Tout le monde sait désormais dans l'hôtel que l'infirmière, venue me chercher pour le test PCR, a brutalement senti brûler son bas-ventre, et faisant fi du protocole, m'a enveloppé, la voix blanche, arrachant tout le plastique qui nous sépare, le transformant peu à peu en accessoire érotique "bondage", et que, sa main, moite et tremblante, a... On sait aussi que j'ai pris au collet le ou la livreuse et que...
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