Paroles d’enfants : ça continue à PREDA

En 2005, on emmenait des adolescents de 4e à Payatas, avec Virlanie et d’autres personnes impliquées. Peu après, le père Shay Cullen, de la fondation PREDA, venait leur présenter son travail dans les prisons et les bordels philippins. On était « dans le bain », quoique bien au frais à l’école Française. De retour en France, après un passage au Liban, on se dit souvent qu’on a l’impression d’avoir là-bas pris une claque dont on ne mesure qu’aujourd’hui l’ampleur, et appris à donner du poids au mot « dignité ».

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PodFreinet

L’idée a mûri pendant les vacances : puisqu’on rentrait, il fallait tenter quelque chose de nouveau pour ne pas avoir l’impression de « revenir à » ce qu’on avait quitté avec plaisir… Techniquement, c’est un investissement dans un enregistreur numérique qui peut capter les arrière-plans sonores – parce qu’un collège semble toujours imprégné de tant de bruits qu’il faut tenter autre chose que s’en défendre – arrière-plans envahissants dont on a parfois l’impression qu’une sorte d’acharnement collectif cherche à les (faire) taire – et que, de quelque côté de l’estrade on se trouve, on couvre de ses propres braillements ou récriminations, de pensées qui ont déjà eu lieu, affreuses, abouties, stériles.

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C’est le même enregistreur qui me permet de capter d’autres hésitations dans les histoires racontées par Côme.

Le podcast baptisé « PodFreinet » démarre donc sur le site SPIP du collège, en même temps qu’un blog-miroir pour assurer des flux compatibles (Itunes et autres « podcatchers », agrégateurs de flux)…

Cosme online

C’est souvent à l’heure où on aimerait (soit continuer, soit commencer à) dormir, mais c’est toujours à ce moment qu’il déboule… On essaie de prendre l’habitude d’avoir, à portée de main, l’enregistreur numérique, pour laisser une trace de toutes ces histoires qui s’inventent et qu’on oubliera, puisqu’on les fabrique souvent en faisant autre chose (cuisine, conduite sur nationale, queue de supermarché…). Le blog, qui vire au podcast, vient comme une suite logique, dans l’idée que ces histoires et la voix peuvent plaire à d’autres, les amuser aussi. Le blog introduira sans doute aussi une distance qu’on mesurera plus tard.

Slow down

Au retour du Liban, on fait un peu de ménage dans les fichiers vidéo de l’année d’avant, restées dans un disque dur, lui même coincé au milieu d’autres affaires, dans un entrepôt, en attendant la fin de la guerre.

C’est donc l’occasion d’enfin classer enfin les morceaux de vidéo pris à la volée d’avril à juin 2006, à moto ou en voiture, dans les rues de Manille.

Occasion aussi de prendre conscience après coup que l’envie de filmer était forte, puisqu’elle faisait prendre le risque important d’une chute à moto : oui, mais en avril on savait qu’on allait partir, sans savoir ce qu’on rapporterait, on voulait sans doute conserver une impression, une façon de voir, de se sentir un peu chez soi.

Au moment de classer, j’écoute une chanson de Radiohead, The Tourist (album OK Computer), et les paroles semblent s’imbriquer toutes seules (« They ask me where the hell I’m going at a thousand feet per second » : et nous alors, les étrangers, là-bas, on était des touristes ? On n’en n’était pas, de là-bas, mais on disait « ici », et au bout de 6 années, on en était bien un peu pourtant… se demander si on y est, si on en est, si on y va : cette idée là s’est par a suite étendue à tout le reste – c’est cela qui de l’expatriation est sans doute vraiment resté, une phrase de Gherasim Luca : « là où je suis c’est une erreur ») d’où l’idée de finalement monter le tout ensemble, image et musique, sous la forme de quelque chose que j’aurais ensuite plaisir à regarder.

Aperçu sur Dailymotion ou Youtube :


Ajout du 9/02/2008 : ce qui n’est pas été monté, mais qui pourrait peut-être faire un petit film à soi tout seul : les innombrables moments où pour conduire, on est obligé de lâcher la caméra qui, sans qu’on ait eu le temps de presser le bouton d’arrêt (parfois volontairement, dans le désir de la reprendre aussitôt après) continue à filmer (le réservoir, une cuisse où a tenté de la poser, la route qui défile dessous, un morceau de guidon…) ; puis qui, reprise en main, semble être mue par le souhait, invisible mais palpable, de lui faire capter ce qu’on voudrait qu’elle voie ; mais alors elle ne « montre » rien d’autre que ce qu’elle capte, et le geste de viser semble dépassé par ce qu’il filme vraiment…

Au bout du compte tous ces ratés sont peut-être des réussites, ou ce qui correspondait le mieux à la façon de prendre des photos ou de filmer là-bas : si du moins cette idée de porter en roulant contre sa poitrine une machine enregistreuse, qui allait voir ce qu’on n’aurait pas vu soi-même — absorbé par l’anticipation des obstacles, parfois interrompu par la police, méfiante — si cette idée donc comptait autant que ce qu’elle allait montrer ; pour la part de hasard qu’on y désirait sourdement, pour la confiance qu’on mettait dans la magie : la numérisation, dans un cadre en mouvement, de morceaux de sons et d’images du dehors, qui voudraient dire quelque chose — peut-être justement cette incapacité où on était d’attraper quoi que ce soit de ce monde-là, la sensation d’être dépassé en permanence : pris, embarqué, perdu…

Ce sera pour le prochain tri : les moments où on lâche, et ceux où on reprend, mis bout à bout.

J’habiterai mon nom

Étranger, sur toutes grèves de ce monde, sans audience ni témoin, porte à l’oreille du Ponant une conque sans mémoire :

Hôte précaire à la lisière de nos villes, tu ne franchiras point le seuil des Lloyds, où ta parole n’a point cours et ton or est sans titre…

« J’habiterai mon nom », fut ta réponse aux questionnaires du port. Et sur les tables du changeur, tu n’as rien que de trouble à produire,

Comme ces grandes monnaies de fer exhumées par la foudre.

Saint John Perse, Exil

Autour du Crépuscule du matin : le moment où certains s’endorment et d’autres s’éveillent

Pierre Pachet, dans un entretien, (Les Affinités électives, sur France Culture) signale ce poème de Rimbaud comme l’un de ses préférés, avant d’évoquer la chanson de Dutronc : il est cinq heures… Dans cette optique, par associations d’idées, quelques textes ou chansons évoquant ce moment où certains vont se coucher ou s’endorment, pendant que d’autres veillent ou se lèvent… Liste évidemment ouverte…

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Quelques archives utilisables

Au menu (les publications à exploiter sont cliquables) :

Nous autres savons

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Nous savons la vertu des concurrences

Nous savons la vertu des valeurs de gauche, la proclamons

Nous savons les laisser à leur place

Nous savons éviter tous les systèmes, nous disons le savoir et nous efforcer de penser, non pas « penser », « nous efforcer », parce que nous savons rester modestes, voyons

Nous avons des sourires amusés, presque complices, lorque nous nous saluons, un verre à la main, lorsque nous savons reconnaître, parce que nous savons ne pas oublier un visage et nous savons nous tenir

Nous savons nous réfréner, nous savons la valeur des choses, pour le bien de tous, ce bien que nous savons définir, sur lequel nous savons mettre les mots qu’il faut

Nous savons vite remettre à leur place ceux qui perdent le sens des réalités, avec tact, avec mesure

Nous la connaissons bien, la réalité ; nous l’arrangeons, nous avons des méthodes qui nous permettent de la cerner, de la circonscrire, de la soumettre raisonnablement

Nous savons nous-mêmes nous soumettre à ses besoins, il faut bien préserver les plaisirs de l’existence

Nous savons défendre nos prérogatives, mettre notre confort en premier, « charité bien ordonnée »… nous savons les proverbes qui tombent bien

Nous nous retrouvons pour admirer de l’art, nous savons parler d’une mise en scène, d’un danseur, d’un peintre, avec des mots mesurés, justes, décents, néanmoins sensibles

Nous faisons l’amour, et c’est toujours inoubliable

Nous fuyons plus que tout la vulgarité

Nous fuyons aussi les paroles inutiles, les parleurs qui ne savent pas parler

Nous parlons d’eux avec un amusement discret, sachant rester pudiques, respectueux

Nous connaissons les derniers concepts du temps, ceux auxquels une fréquentation raisonnée de la presse nous a habitués

Nous savons nous présenter, changer d’habit, repecter les convenances, et quand il le faut, nous déguiser

Nous avons voyagé, nous connaissons les grandes villes mondiales, les galeries qu’il faut connaître, les artistes qu’il faut connaître (nous les avons même rencontrés personnellement, ce sont des gens extraordinaires) , les endroits qu’il ne faut pas rater

En voyage nous savons ce qu’il faut voir, visiter, savons « en profiter »

Nous savons qu’il faut connaître Untel et Untel

Nous ne disons pas de gros mots

Nous savons nous organiser efficacement, faire nos preuves

Nous allons une fois par semaine ici, une fois par an là, nous le savons à l’avance, nous le disons en toute modestie

Il a 14 ans et cherche un synonyme du mot mourir

En dehors de la rédaction de brevet (qu’il soit « libanais » ou « français »), que peut-on écrire, au sud du Liban, alors qu’une guerre à peine finie, tant (trop) de langues évoquent sans cesse la prochaine ? On aimerait faire en sorte qu’une fois l’année passée, on ne pose plus la question « Monsieur, c’est juste ? » en montrant ce qu’on a écrit, mais qu’on l’affirme — en qualifiant de « justesse » le plaisir d’avoir pris un risque dans la langue, en acceptant de s’étonner de ce que les mots ont réveillé.

Quelques séances d’écriture créative, donc, publiées sur un blog créé pour l’occasion, avec pseudonymes et commentaires. On espére ainsi qu’à la lecture auto-commentée de leurs textes, ils soient pris au jeu d’une lecture et d’une écriture plus émancipatrices que celles des petites cases d’examens.