D’abord une histoire d’emploi du temps, puis une collègue « partante », des élèves venus en curieux qui finissent par rester, intrigués, des collègues qui petit à petit viennent voir, les élèves qui se prennent au jeu, et qui appellent « la dame » l’intervenante, Léa, qu’il faut récupérer à la gare le jeudi après-midi : ça mûrit.
À la rentrée : c’est quoi, le projet, au juste ?
D’abord un « trou » dans un emploi du temps, qui tombe bien : trop d’élèves de troisième en permanence à cette heure là, et dans l’emploi du temps de deux profs aussi. Et un centre dramatique qui vient à notre secours : c’est de cela qu’il faut parler quand on parle de culture, pour nous autres petits profs… On fait les papiers qu’il faut, et un texte pour s’expliquer :
Le projet
En sollicitant des intervenants du Centre Dramatique Régional de Tours, on essaie de passer d’exercices de mise en confiance ou de dynamisation du groupe à une « vraie » représentation. Toutefois le fait de “monter une pièce” entière ne paraît pas envisageable (prématuré, ou peu satisfaisant, avec des risques de produire une parodie de spectacle, ce qui irait aux antipodes de ce qu’un atelier peut apporter en construction de soi, et/ou empêcherait les intervenants de faire passer des exigences propres au spectacle vivant).
Le financement
Les interventions de ce type sont prises en charge par le Conseil Général dans le cadre des ateliers théâtre en milieu scolaire. 6 heures maximum par professeur impliqué.
Supports
Il est intéressant de fonder le travail sur un texte “exigeant”, l’improvisation à 18 élèves non familiers aux ateliers de pratique théâtrale menant le plus souvent à l’enlisement. Le fait de confronter les élèves à un texte du répertoire (mais pas Molière, déjà connu et catégorisé par les élèves…) permet paradoxalement de les rassurer : on introduit le besoin d’une maîtrise technique (dire le vers, “avoir quelque chose à mâcher”), plutôt que de les pousser vers un texte (ou un sketch) d’accès apparemment plus facile, mais qui risquerait en fait de les inhiber, ou les pousser au cabotinage. Le décalage les confronte à une véritable exigence, permet de détourner l’émotion directe, et oblige à trouver les moyens de donner du sens par la diction et la mise en scène – donc de faire du théâtre plutôt que des sketches, pour lesquels l’intervention de professionnels ne s’impose pas. Le fait de poser l’exigence d’un travail technique permet donc de donner son sens au recours aux ateliers du CDRT, tout en relançant la dynamique de l’atelier. C’est également propice aux détournements, à l’actualisation de la pièce, où peut s’exprimer l’originalité des élèves et la création du sens. Autres supports possibles : enregistrements sonores ou vidéo.
Intervenants
On prévoit plusieurs interventions en alternance de Léa Toto et de Karin Romer, par quinzaine environ. L’une et l’autre ont des approches différentes et complémentaires, travaillant plutôt sur l’élaboration générale du spectacle ou plutôt sur le jeu d’acteur.
Finalisation
On se limitera sans doute à jouer une scène entière, mais jouée par tous : les personnages sont interprétés par plusieurs élèves à la suite, sur le principe du relais. Temps maximal estimé : 15 minutes. Envisager un petit “événement” au collège, en profitant du théâtre de verdure ?
Texte retenu
Le Cid de Pierre Corneille. Scène propices : confrontation du père et du fils / Confrontation du comte avec Don Rodrigue / Scène du conflit amoureux / Récit de bataille (permettant de travailler sur l’interaction entre un récitant et un groupe de mimes). Les thématiques de cette pièce sont susceptibles d’adaptation ou d’interprétation libres (la question de l’honneur et de l’injure, la fidélité aux liens familiaux VS l’amour entre jeunes, etc.). La documentation pédagogique sur cette pièce est importante, ce qui permet aux professeurs de “rebondir”.
Au printemps, l’idée germe..
L’atelier a d’abord consisté à créer la confiance et une dynamique de groupe, à travers de nombreux exercices de mise en confiance. L’atelier mûrit, d’une part avec l’aide des intervenants du CDRT (Léa Toto et Karin Romer), d’autre part avec l’émergence d’une idée de trame de spectacle, susceptible d’évolutions et de surprises.
Les premières séances de l’atelier, jusqu’aux vacances d’hiver, ont été basées sur des exercices de mise en confiance et de dynamique de groupe (inspirées par ceux que propose Augusto Boal, dans Jeux pour acteurs et non-acteurs).
Une fois assurés d’un certain esprit de groupe, nous avons décidé, en concertation avec les intervenants du CDRT, Léa Toto et Karin Romer, de confronter les élèves à une « vraie » pièce du répertoire : difficile par sa langue, (qu’il faut accepter de déchiffrer, et dont il faudra « mâcher » l’Alexandrin), mais aussi riche de sens, et surtout susceptible de poser de vraies exigences théâtrales : Le Cid, de Corneille.
Pour aborder l’intrigue avant de livrer le texte « brut », nous avons, au cours des premières séances, volontairement décalé l’approche, en imaginant un scénario similaire à celui du Cid, mais actualisé : d’autres noms, une confrontation similaire entre deux amoureux sur fond d’honneur familial… le tout dans un décor constitué par les villages d’où proviennent les élèves. Ce n’est qu’ensuite que nous avons commencé à travailler sur le texte original, en abordant l’échange entre Don Rodrigue et son père lui enjoignant d’aller tuer le père de Chimène… Et le texte est alors « passé », les participants se l’appropriant, jusqu’au terme de « soufflet ».
La quatrième séance « autour » du Cid était consacrée à la scène de l’acte III où Don Rodrigue vient trouver le comte, père de Chimène, après que son père lui a demandé de le tuer pour laver son honneur. Cet épisode est susceptible de « parler » à des adolescents, puisqu’il met en scène un rituel de provocation.
Là encore, avant de confronter les élèves au texte, nous avons préféré faire un détour en proposant une improvisation permettant de « fixer » l’intrigue. Cette séance semble avoir été déterminante, puisqu’elle a permis de faire émerger les idées que nous allons désormais suivre pour commencer à formaliser une idée de spectacle.
Ainsi, nous avons demandé aux participants de jouer une scène où les habitants d’un village aborderaient les dernières rumeurs en cours. Le lieu idéal était donc le café, avec ses habitués. Chaque élève se voyait attribuer un rôle précis (imposé par le nombre de participants…), et le groupe devait parvenir à faire émerger, une à une, les informations essentielles de l’intrigue, jusqu’à l’information décisive : Don Diègue aurait demandé à Don Rodrigue de tuer le comte… : c’est cette information qui amenait l’irruption du comte, et l’enchaînement avec la vraie scène. En somme il s’agissait de concevoir une exposition.
Mais l’implication des participants dans cette séance a permis de faire émerger de nombreuses idées, que nous avons décidé de réécrire « à chaud », une fois la séance terminée.
C’est ce texte réécrit qui servira de base à la séance suivante : il devrait permette de clarifier ce qui a été improvisé. Mais ce détour a permis de trouver une trame efficace pour le spectacle que nous essaierons de créer dans le cadre d’un atelier en milieu scolaire : à partir du « café du commerce », nous pourrons sans doute appeler une ou deux « vraies » scènes du Cid, tout en soulignant avec humour l’ancrage possible de cette pièce dans notre réalité, et son actualité (Looking for Le Cid, comme le disait ironiquement Karin Romer quand l’idée de proposer Le Cid avait émergé).
On constate avec plaisir que la pratique du théâtre amène, par une série d’interactions, à ce que le groupe fabrique lui-même l’idée d’un spectacle, à partir des propositions des participants eux-mêmes : voilà qui est précieux, alors qu’on a tendance à l’oublier dans la salle de classe. Le spectacle à faire n’appartient déjà plus aux seuls animateurs, et on peut déjà dire que si les élèves ont réussi à aller jusque là et à prendre conscience de ce qu’ils peuvent inventer, ça a déjà servi à quelque chose.
Voici donc le texte auquel nous avons pour l’instant abouti :
La fin de l’année : alors en fait, c’était pour de vrai !
Le texte en question sera abandonné… Voir pourquoi dans le rapport rédigé en fin d’année pour récapituler tout ce qui se sera passé, ce qu’on en tire, etc.
On peut surtout lire un article sur le site du collège, qui raconte le passage des élèves sur les planches du Nouvel Olympia à Tours, avec quelques photos…