Celui qui du bras quémandait passage
Exhumation n°2
Encore bien avant celle d'hier, celle-ci doit dater de mai 2012. C'est pris depuis le métro aérien : un arrêt à chaque station, pour voir — et puis un retour à la même station pour qu'au bout du compte ça ne coûte que le minimum des 15 THB. À la station Ploen Chit, l'avantage, c'est qu'on a vue de la passerelle sur le passage piéton sans avoir besoin d'autre chose qu'un 50 mm.
Je découvrais les réglages, le raw etc. Et surtout le cadrage : j'essayais de prendre la façon dont les phares se perdaient dans l'ombre, et je cadrais sur le noir, je comptais aussi sur la qualité du capteur — quand ce type a surgi juste avant que les motorisés se précipitent. Coup de chance, j'avais les bons réglages.
Cette photo là a servi de point de repère : en fait ça m'apprenait qu'on n'arrive à la photo qu'on voudrait seulement après avoir cherché, après une sorte d'échauffement — et que celle qu'on voulait, c'était justement la surprise qui vient au milieu de ces réglages-là : la réalité qui prend le pas sur le désir, et qui rappelle que la photo ça doit rester modeste.
Mais l'image qui reste résume pour moi très très vivement la violence absolue qu'il y a en permanence en Thaïlande, et qui me fait ironiser sur ceux qui, de passage, trouvent que "les gens sont cool ici". Non : le type à grosse bagnole estime avoir tous les droits, et s'il a de l'argent, il peut, s'il le veut, renverser le mec qui traverse, parce qu'il en a le droit.
Ainsi le geste de lever le bras, comme une sorte de supplique, fait partie du quotidien des piétons. Une sorte de rappel qu'il doit rester un tout petit peu d'humanité dans ce grand terrain de domination et de terreur qu'est la route.
Ici faudrait que je rajoute quelques liens sur le taux de mortalité sur la route en Thaïlande, et quelques autres liens sur les petits fils-à-papa qui ont assassiné, bourrés, des gens en grosse voiture, et n'ont jamais été inquiétés plus loin que leur porte-monnaie. Quelque chose aussi sur la culture de la honte plutôt que de la culpabilité.
On verra demain, j'envoie pour le moment.