Cinq heures du matin. Une sonnerie stridente de réveil dans la chambre. Un grognement se fait entendre. Un bras sort des draps du lit pour éteindre la source du bruit, mais rate son objectif, déséquilibrant le réveil qui va s'écraser au sol.        L'homme s'assied au bord du lit vide. C'est encore une journée difficile qui s'annonce. Depuis qu'il a été mis au chômage, un mois auparavant, il a perdu l'envie de se lever. Il aurait préféré paresser dans son lit toute la journée mais il sait que ce n'est pas comme cela qu'il résoudra son problème. L'homme se dirige alors vers la salle de bain pour y prendre une douche, et pendant que l'eau coule dans la baignoire, il se regarde dans le miroir. Il a vraiment changé depuis un mois. Il a des cernes au-dessous des yeux et sa barbe n'a pas été rasée depuis au moins une semaine. Il s'est même remis à fumer, mais en cachette car Emilie n'aimerait pas l'apprendre. Emilie est sa fiancée. Elle part tous les matin très tôt au centre où elle travaille comme secrétaire. Au début tout allait pour le mieux. Mais depuis quelques temps, leurs disputes sont de plus en plus fréquentes, et il a peur d'une éventuelle séparation.

     La douche l'a rafraîchi et a achevé de le réveiller. Il est maintenant dans la cuisine assis devant un bol fumant de café. C'est alors qu'il a aperçu la lettre, écrite de la main d'Emilie. Il l'a lut, l'a relut, puis, calmement l'a remise dans l'enveloppe parfumée. Celle-ci lui annonce sa rupture avec Emilie. Elle est partie définitivement, dans la nuit, emportant toutes ses affaires avec elle, et ne laissant que cette lettre.

     L'homme s'est levé. Il enfile un imperméable gris et sort de son appartement. Toute la journée, il marche, une cigarette à la main, les yeux rouges. Il savait que cela devait arriver un jour, mais il ne comprend pas pourquoi on lui a donné une vie si misérable. Le soir tombe, il est épuisé. Alors, en guise de réconfort, il s'achète une bouteille de whisky dans un supermarché du coin, puis s'assoit sur un banc dans un square. Les effets de la boisson commencent à se faire sentir et, bientôt, il se met à crier des injures aux passants, qui évitent son regard.

     C'est à ce moment que je l'ai vu. J'avais alors sept ans. Lorsqu'il m'a aperçu, il s'est tu et s'est laissé tomber lourdement sur son banc, puis il s'est mis à pleurer, la tête enfouie dans les mains. Depuis, je n'ai pas oublié l'image de cet homme bourré, et il m'arrive d'y repenser lorsque je vois des personnes qui s'abandonnent à l'alcool...

Christophe.S