FLASHES Dans la rue tu attends assise sur un muret de pierre sale et jonché d'ordures de toutes sortes, le trottoir sous tes pieds où se reflètent les rayons brûlants du soleil. Tu attends ta voiture, ton chauffeur, environnement rassurant dans ce monde perdu. Tu es seule. Le soleil brille plus que jamais dans un ciel sans nuage pour donner de l'ombre. Il est au zénith, il est de plomb. Tu transpires à grosses gouttes maintenant et tu cuis dans ton T-shirt et ton jean et tes baskets comme du linge mis à sécher tu cuis toute l'eau de ton corps le quitte pour la légereté de la vapeur et le ciel qui s'étend, seul reste le sel fidèle à ta peau. Tu a pris un livre dans ton sac à dos l'attente est trop longue tu le lis soigneusement décortiquant chaque mot tu le lis mais tu ne le vis pas tu te concentre mais tu ne le comprends pas trop de lettres trop de mots trop de pages trop de personnes qui passent et te dérangent trop de voitures qui circulent trop de bruit trop de ville trop de monde. A l'autre bout de la route une fille attend, elle a fermé son livre et le range dans son sac elle se regarde dans le miroir à l'autre bout de la rue devant le magasin elle s'inspecte. Devant elle passent à toute allure des voitures des jeepneys des tricycles qui troublent un instant l'image et la révèlent enfin, pure et nue, ton reflet de toi qui attends à l'autre bout de la rue, ton sac à dos près de toi avec ton livre dedans. Toute une éternité d'attente toujours rien ou plutôt si beaucoup de choses mais aucune ne satisfait les passants passent banalité du monde. Tu détournes ton regard à ceux étonnés des autres gens une fille seule dans la ville qui attends sur un muret avec son sac à dos cela n'est pas banal sauf pour toi tu veux être simplement dans ta voiture avec ton chauffeur et rentrer dans la norme ne plus être objet de curiosité que tu ressens comme indiscrète, malsaine tu n'as pas besoin de l'intérêt des autres tu es toi ça te suffit. Tu marches à présent et tu te fraies un chemin parmi la foule l'attente est insupportable tu te dégourdis les jambes engourdis par la longue station elles trébuchent contre les pavés inégaux du trottoir tout ton corps se soulève se révolte contre cette immersion cette promiscuité des autres corps les coudes serrés contre toi les nerfs tendus tu batailles contre le monde dans ta parcelle de monde contre la foule contre les gens contre tous. Camille
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