1. Cadre de l'interventionDans le cadre d'un essai d'atelier d'écriture organisé pendant des cours de français (voir le site "Pages d'écriture" à http://www.chez.com/verotibo/ecrit/ ou son miroir à http://www.respublica.fr/verotibo/), j'ai sollicité le recours à un comédien du Centre Dramatique Régional de Tours, pour que la lecture de leurs propres textes par les élèves (difficile à faire passer en cadre scolaire sans pudeurs ni détours) puisse devenir une étape plus naturelle, impliquer plus directement les élèves dans leur parole.Trois classes étaient concernées : une classe de troisième, et deux de quatrième. Après une simple prise de contact, Karin Romer s'est chargée d'intervenir dans les trois classes, le vendredi 22 janvier dans la classe de troisième, et le mardi 26 dans les deux classes de quatrième. Une petite salle a été trouvée pour l'occasion, où l'on a pu prendre un peu d'espace, et demander aux élèves de lire leurs propres textes, rendus anonymes (séances d'écriture à partir de Perec, Michaux, Cendrars). Elle a mené les séances en faisant alterner des lectures collectives, des lectures individuelles, ou encore des ébauches de mise en jeu à deux ou trois. On a pu ainsi avoir une séance par classe, de une à deux heures. 2. Impacta. Lire avec son corpsLa séance qui a eu lieu dans chaque classe a été décisive pour l'évolution des pratiques liées aux essais d'écriture créative : elle a permis une prise de conscience, aussi bien pour les élèves que pour moi-même, du type de travail qui pouvait être mené à la lecture : l'importance qu'il y a à adresser ce qu'on dit, à engager son corps… quasi évidences que la disposition rectiligne des tables dans une salle de classe tend, dans l'usure quotidienne, à faire prendre pour des illusions. Dans un cadre scolaire malheureusement peu propice à l'expression, on a donc conforté l'idée que lire un texte engageait un corps tout entier, un espace, et le corps des autres pour le recevoir.b. Faire valoir un texteDe plus les textes prenaient aussi une autre dimension : bien qu'ils fassent appel à un matériau originellement intime, on a pu en percevoir différents aspects, parfois inattendus, parfois plus graves, grâce à leur mise en jeu. Il y a donc eu ce qui se passe rarement dans l'enseignement du français tel qu'il est planifié, programmé, en "compétences", "savoirs" et "programmes" : un échange basé sur l'implication personnelle et sur la confiance et qui donne du sens à ce qui se lit. Si par la suite, dans les autres séances d'atelier, on n'a pas vraiment réussi à faire aussi bien, faute d'habitude, le "message" était tout de même passé une fois ("faire comme avec l'actrice"), il en restait un désir de donner du sens en lisant.Ainsi on a pu reprendre quelques expériences, en s'inspirant de ce qui avait pu se faire, et qui n'était pas alors la simple lubie qu'on désigne comme "théâtre" et dont on trouve le "prétexte" en fin d'année "pour ne pas travailler" : l'enjeu était centré sur le texte, dont on avait un désir plus précis qu'une fastidieuse transmission orale - comme une redondance de l'écrit. On a aussi récupéré cette énergie dans les cours plus traditionnels, lorsque sous une autre casquette il s'agissait de faire lire un texte du manuel avant de poser les traditionnelles questions d'analyse, de repérages… On a pu se lever pour lire sans qu'il s'agisse d'une provocation (la lecture préludant traditionnellement l'analyse ou l'explication), on même pu s'en servir dans l'explication ("pourquoi est-ce que tu as lu ainsi ?"). 3. PerspectivesAu delà de l'enthousiasme qu'il a évidemment suscité sur le moment (séance d'autographes dans une classe de quatrième), il est encore plus difficile sans doute d'évaluer l'impact à long terme d'une séance d'atelier auprès des élèves. Ce qui reste, c'est évidemment qu'on aimerait continuer, installer une pratique dans la durée. Du chemin a été parcouru à partir d'une simple séance où le partage des textes s'est joué par la voix de chacun ; par la suite on a pu donner un sens plus concret au mot de " lecture ", faire un lien entre l'écriture et l'idée de spectacle. On en garde l'idée qu'il y aurait quelque chose à faire, qui précisément manque à l'école. C'est pourquoi il serait sans doute intéressant de recommencer l'expérience en l'installant dans la durée, dans un seul groupe, toujours à partir de textes d'atelier. |