Ce premier essai d’utilisation d’Internet - pour ce qui me concerne - a une longue histoire. Il y a plusieurs années, j’ai régulièrement fait
participer mes élèves à des concours d’écriture collective, qui étaient récompensés : publication, atelier animé par un auteur pour la jeunesse,
journée de voyage... Lorsque nous étions sélectionnés, cela était bien sûr très gratifiant. Mais il y a eu également des déceptions : telle grande
maison d’édition ne nous faisant pas parvenir une seule copie du texte primé, malgré mes réclamations ; tel texte sélectionné ayant visiblement
été écrit par le professeur... L’émulation inhérente au concours avait donc ses contreparties, sans parler de la lourdeur des projets, impossibles à
fragmenter, qui nous occupaient au moins un trimestre. D’autre part, curieux quoiqu’ignare en informatique, j’ai accepté de participer, il y a deux ans, à un stage d’initiation à Internet. Malgré mes
réticences initiales, j’ai été séduit, mais à titre personnel : en effet, comment utiliser cet outil en classe ? J’ai passé beaucoup de temps dans mon
établissement (fort bien équipé) à explorer des sites variés, à enregistrer des signets (qui ont été gaiement effacés par le premier technicien
venu). L’idée a fait son chemin. Mais elle ne pouvait se concrétiser qu’après l’achat d’un ordinateur personnel : ne nous leurrons pas, c’est cher
et gourmand en heures passées devant l’écran. Pour tout dire, en juin dernier, j’étais devenu un internaute passable. C’est alors que je me suis intéressé de plus près aux applications pédagogiques possibles. J’ai eu l’adresse de “Vérotibo” par une circulaire de
notre I.P.R, et j’ai entamé un échange fructueux avec Thibaud Saintin. J’étais prêt à me lancer. L’occasion s’en est présentée plus tôt que prévu, le jour de la rentrée des 3è, le 7 septembre. En tant que professeur principal, je devais les tenir
en éveil presque toute la journée, après les sempiternelles formalités administratives. Commencer un “cours” me semblait difficile, et j’avais
envie de motiver, de souder cette classe hétérogène, où plusieurs élèves risquaient d’être en difficulté. Après ma fréquentation de “Pages
d’écriture”, le recours à l’atelier autour de “La Chambre” s’est presque naturellement imposé, d’autant que je connaissais un peu Perec pour l’avoir lu jadis. Ajoutons à cela que l’autobiographie est au coeur du programme de 3è, et que plus le temps passe, moins nos adolescents sont spontanés... La décision fut prise. Les élèves furent pris de court, au premier abord. Pourquoi, pour qui, comment écrire ? Le “truc” de François Bon (la feuille pliée en 9), fut l’occasion de casse-tête géométrique plus qu’une incitation à l’écriture. Il fallait donc écrire neuf textes ! Après
avoir donné la consigne, mon travail fut donc de la dédramatiser sans l’annuler. Il suffisait d’écrire un tout petit peu, pourvu que ce fût senti. En
fin de journée, chacun avait rendu qui son pensum, qui ses confidences déguisées, qui ses deux lignes de provocation. Et j’ai choisi (à deux
exceptions près) de publier un court texte par élève, anonymement. Cela, tout comme la présentation adoptée, fait d’ailleurs que la classe est
perçue comme un tout. Je n’ai fait qu’une correction de langue, j’ai laissé des maladresses côtoyer quelques fulgurances poétiques. Dès le
jeudi, j’ai amené en classe une copie, au traitement de texte, des passages sélectionnés. J’ai demandé aux élèves l’autorisation d’afficher leurs
production, en insistant bien sur leur droit au remords. Puis j’ai évoqué l’intégration des textes au site Internet : stupéfaction et enthousiasme
sincère. D’un coup le “travail” trouvait sa justification.
Ce que j’espère maintenant, c’est que les prochaines créations seront plus copieuses, plus fouillées, mieux rédigées. Tout reste à faire. Affaire à
suivre...
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