Slow down

Au retour du Liban, on fait un peu de ménage dans les fichiers vidéo de l’année d’avant, restées dans un disque dur, lui même coincé au milieu d’autres affaires, dans un entrepôt, en attendant la fin de la guerre.

C’est donc l’occasion d’enfin classer enfin les morceaux de vidéo pris à la volée d’avril à juin 2006, à moto ou en voiture, dans les rues de Manille.

Occasion aussi de prendre conscience après coup que l’envie de filmer était forte, puisqu’elle faisait prendre le risque important d’une chute à moto : oui, mais en avril on savait qu’on allait partir, sans savoir ce qu’on rapporterait, on voulait sans doute conserver une impression, une façon de voir, de se sentir un peu chez soi.

Au moment de classer, j’écoute une chanson de Radiohead, The Tourist (album OK Computer), et les paroles semblent s’imbriquer toutes seules (« They ask me where the hell I’m going at a thousand feet per second » : et nous alors, les étrangers, là-bas, on était des touristes ? On n’en n’était pas, de là-bas, mais on disait « ici », et au bout de 6 années, on en était bien un peu pourtant… se demander si on y est, si on en est, si on y va : cette idée là s’est par a suite étendue à tout le reste – c’est cela qui de l’expatriation est sans doute vraiment resté, une phrase de Gherasim Luca : « là où je suis c’est une erreur ») d’où l’idée de finalement monter le tout ensemble, image et musique, sous la forme de quelque chose que j’aurais ensuite plaisir à regarder.

Aperçu sur Dailymotion ou Youtube :


Ajout du 9/02/2008 : ce qui n’est pas été monté, mais qui pourrait peut-être faire un petit film à soi tout seul : les innombrables moments où pour conduire, on est obligé de lâcher la caméra qui, sans qu’on ait eu le temps de presser le bouton d’arrêt (parfois volontairement, dans le désir de la reprendre aussitôt après) continue à filmer (le réservoir, une cuisse où a tenté de la poser, la route qui défile dessous, un morceau de guidon…) ; puis qui, reprise en main, semble être mue par le souhait, invisible mais palpable, de lui faire capter ce qu’on voudrait qu’elle voie ; mais alors elle ne « montre » rien d’autre que ce qu’elle capte, et le geste de viser semble dépassé par ce qu’il filme vraiment…

Au bout du compte tous ces ratés sont peut-être des réussites, ou ce qui correspondait le mieux à la façon de prendre des photos ou de filmer là-bas : si du moins cette idée de porter en roulant contre sa poitrine une machine enregistreuse, qui allait voir ce qu’on n’aurait pas vu soi-même — absorbé par l’anticipation des obstacles, parfois interrompu par la police, méfiante — si cette idée donc comptait autant que ce qu’elle allait montrer ; pour la part de hasard qu’on y désirait sourdement, pour la confiance qu’on mettait dans la magie : la numérisation, dans un cadre en mouvement, de morceaux de sons et d’images du dehors, qui voudraient dire quelque chose — peut-être justement cette incapacité où on était d’attraper quoi que ce soit de ce monde-là, la sensation d’être dépassé en permanence : pris, embarqué, perdu…

Ce sera pour le prochain tri : les moments où on lâche, et ceux où on reprend, mis bout à bout.

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