« Indolence » dans le guide

Une liste de lieux consignés dans un guide vendu sous des néons, à des milliers de kilomètres, en traduction.

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Ici et là, à certaines heures, des silhouettes, souvent par paires, marquées par une sorte d’avidité : observation de la carte, anticipation d’une potentielle arnaque, présence à la fois méfiante et soucieuse de se fondre — quête d’une nourriture sûre et d’un lit propre, mêlée à l’envie d’un changement qui serait profond, qui n’aurait demandé que d’avoir fait les kilomètres et l’effort de se montrer curieux de temps en temps.
Chaque parcelle non signalée sur les cartes : « local ».

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Il y a un pont, un film célèbre qu’on n’a pas revu, des morts, et comme pour le tsunami, une histoire où les ancêtres d’un pays croisent ceux d’autres. On manque toujours de ponts, et pour traverser la rivière, il y a un passeur. Les 5 bahts sont prévus dans le budget quotidien de tous ceux qui doivent être à l’heure. Toujours une moto qui mène quelqu’un quelque part. Dans le guide, le mot « d’indolence ».

Sous un arbre

Ça commence par le ciel

Ça pourrait n’être encore qu’un ciel, comme partout ailleurs il y a nuages et bleu (et le même jour sur terre, combien de vaines photos du couchant ?) ; on postule que la photo ne vaut que par l’ostentation de ce qu’elle rate : l’image d’après qu’on n’aura pas prise, l’écart entre toutes celles qui auraient pu être faites et dont la moyenne elle-même, par pixellisation et balance des blancs, serait invariablement infidèle.

Chiang-Mai --> Bangkok » align= »center » /></p>
<p>Du bout à l’autre d’un tunnel la moiteur et l’obscurité ont déjà épaissi l’air. Si rapide à monter plutôt que descendre, la nuit, ici, ensevelit et prend voix, repoussant vers le ciel les lumières des étés à 47° de latitude nord – là où le corps lui-même s’étonne une fois l’an, pendant la semaine de décalage horaire, qu’il puisse encore faire jour à 22h ; c’est d’un train qui mettra 14h à rejoindre la capitale qu’on se fait la remarque, et c’est en octobre, à l’époque où là-bas, au-dessus des cimetières où il y a(ura) mon nom, les nuages sont en train de tout prendre.</p>
<p><a href=Sons du crépuscule

La route du réveillon et inversement

À un moment, ce qu’on voit depuis le train, le 31/12, au moment où la nuit commence avec le réveillon qu’elle implique : dans une maison jouxtant la voie, une tête d’homme, que les pilotis cachent par intermittence, avale régulièrement de la bière ; deux femmes s’affairent avec des bassines en plastique et des ustensiles de cuisine qu’elles posent sur ce qu’on devine être une table ; deux enfants accrochent des ballons sur les deux poteaux de ciment qui marquent l’entrée : peu gonflés, ces ballons-là, qu’on trouve partout, explosent facilement. Malgré le volume on ne voit pas immédiatement les haut-parleurs sur pied, de ceux qui servent dans les concerts, tournés vers la voie, et qui sont sans doute destinés à ceux qui passent et vont vers la ville : il y a peu de maisons voisines. Après l’annonce, on repart, la mélopée disparaît.

Un quai

Derrière la vitre ouverte on partage du regard la lente dissolution de la province, avec ceux qui sont là eux aussi depuis plus de quatre ou cinq heures (et qui ont hésité avant d’acheter deux portions de nouilles, plus chères qu’ailleurs, aux marchands ambulants qui sillonnent le train): des taxis supplantent les song thaew aux passages à niveaux, les passerelles de bois qui ne zébraient que des marécages se mêlent à des routes asphaltées, bordées ici et là de décharges improvisées, et disparaissent avec les premiers étagements de ciment (à des hauteurs que le bois ne permettrait pas), les ponts prévus pour 6 voies et éclairés, et finalement c’est un nom de station connu, attendu, qui fait qu’on est arrivés en ville : ceux qui sont venus de province, profitant de l’espace laissé par les passagers descendus dès les premières stations de périphérie (celles des grandes stations de bus) passent d’un carré de fauteuil à l’autre pour changer de fenêtre, s’efforcent de nommer toutes ces lumières et de reconnaître des quartiers où ils s’enfonceront, avec l’excitation de la soirée à venir. On a traversé Bangkok jusqu’à Hua Lomphong, les musiques du réveillon proviennent par vagues des maisons de tôle le long des voies (on ne sort plus la tête tant elles sont proches).

Arrivée à Bangkok

Une fois traversée la gare de Hua Lomphong, on se laisse avaler par l’escalator du métro souterrain, jusqu’aux couloirs de marbre : ceux de la banquette d’en face ont disparu, on replonge dans les « Jingle Bells » en boucle depuis deux semaines.

Hua Lomphong – MRT

Des bouts de sons et d’images en attendant autre chose

On est partis à peu près au même moment qu’Albert Cossery mourait, le dernier article SPIP en plan, que je reprends aujourd’hui, commençait ainsi :

Plus de trois ans déjà qu’à l’allumage du téléphone, à la place du logo de la marque, s’affiche : « qu’en penserait Albert Cossery » ? Ça suivait la lecture de La violence et la dérision.

«Aucune violence ne viendra à bout de ce monde bouffon, répondit Heykal. c’est justement ce que recherchent les tyrans : que tu les prennes au sérieux. Répondre à leur violence par la violence, c’est leur montrer que tu les prends au sérieux. C’est croire en leur justice et en leur autorité, et ainsi tu contribues à leur prestige, tandis que moi, je contribue à leur perte !»

Depuis le départ, peu de nouvelles données aux amis et proches : on s’installe, délais, appartements provisoires, etc. Mais on récupère quelques sons, disponibles à partir d’ICI

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Ajout du 23 octobre : ça y est, récupéré un lecteur de cartes qui fonctionne, j’ai pu vider l’appareil photo et mettre en ligne quelques photos de ce qu’on voit de notre fenêtre depuis le 6 octobre : c’est

On changera de vue vers le 15 novembre, d’ici là, vacances encore indécises : papiers, copies, un peu de tourisme…

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22/11 : et on a changé de vue en effet, déménagement au soi 26 de Sukhumvit, pour au moins un an cette fois. Entretemps mis en ligne quelques photos de vacances à Ayutthay et Lopburi en attendant celles de décembre.